POLITIQUE DES DROGUES
"Essentially, the message is still: ‘drugs are bad’."
Il y a quelques semaines près de 200 organisations partout dans le monde, représentant la société civile, réaffirmaient d’une seule voix l’importance pour les Etats présents de lever toute forme d’hypocrisie et de déni quant à l’urgence d’une politique internationale des drogues réformée. Dans une déclaration commune intitulée “Ungass 2016 : entre diplomatie et déni”, les gouvernements étaient appelés avec force à faire droit à toutes les approches possibles pour en finir avec les politiques répressives en matière de drogues et à s’engager pour des valeurs humanistes. Annoncé comme l’espoir d’une réforme en profondeur des politiques des drogues l’Ungass n’a pas tenu ses promesses. Ambigu et timoré selon plusieurs observateurs associatifs, scientifiques et politiques, le texte produit dans le cadre de cette session extraordinaire n’a pas même été l’objet d’un débat. Les discussions qui s’en sont suivies n’ont pas été à la hauteur des attentes fortes des réformistes et se sont déroulées souvent au mépris des représentants de la société civile tandis que celle-ci n’avait jamais été aussi massivement présente, avec des interventions remarquées de la part de plusieurs ONG intrépides, porteuses de messages constructifs et humanistes sur les méfaits de la prohibition.
Source : Peter Sarosi , "The UNGASS on drugs: Reform aborted", Drug reporter
>> Et aussi : "On a downer - The United Nations has chosen to keep the war on drugs going — but it can’t win.", Nature, 27 avril 2016
Infléchissement de la loi sur le cannabis au Mexique
Le président du Mexique a annoncé vouloir s’engager dans la légalisation du cannabis médical et autoriser l’importation de médicaments dérivés du cannabis. Par ailleurs, il entend proposer que les usagers de cannabis puissent avoir sur eux jusqu’à 28 grammes de cannabis sans être inquiétés. Cette annonce est perçue comme une avancée symbolique très significative vers la fin de la guerre contre la drogue dans un pays particulièrement meurtri par les cartels et la prohibition. S’il se déployait au Mexique, le cannabis récréatif et médical représenterait selon un investisseur potentiel, un marché de l’ordre de 1,7 milliards de dollars par an.
Source : "In major shift, Mexico president proposes relaxing marijuana laws", Reuters, 21 avril 2016
DROGUES ET SOCIETE
Vancouver sous les aiguilles
Le nombre de seringues souillées abandonnées sur la voie publique aurait augmenté de façon exponentielle en 2015 à Vancouver avec 250 000 seringues contre 130 000 en 2014 (et 140 000 en 2013). Cette augmentation semble associée notamment à la démolition de plusieurs foyers (‘Single room occupancy hotel’) pour le logement des personnes à très faibles revenus. Devant l’ampleur du phénomène, des initiatives d’ « éducation communautaire » se sont mises en place, via les parents. Les enfants des quartiers les plus exposés ont été informés des risques associés à la manipulation de seringues souillées et des réflexes qu’ils doivent avoir s’ils en rencontraient. Pour l’heure, un camion a été mis à disposition des habitants avec une ligne directe et une adresse mél.
Source : "250 K needles found on the ground in Vancouver last year", CTV Vancouver
REDUCTION DES RISQUES
Coût efficacité d’un traitement par prophylaxie pré-exposition pour les UDVI
La prophylaxie pré-exposition (PrEP) auprès des usagers de drogues par voie intraveineuse associée au dépistage régulier et à la mise en place d’un traitement rapide pour les personnes nouvellement infectées constituerait une approche thérapeutique efficace pour limiter les contaminations et augmenter l’espérance de vie en bonne santé. Toutefois, à l’heure actuelle, le coût de ces traitements combinés étant élevé, la systématisation de cette intervention auprès des UDVI générerait des dépenses de l’ordre de 44 milliards de dollars dans les 20 prochaines années. Ce sont les estimations d’une étude américaine parue dans Annals of internal medicine.
Source : Cora L. Bernard, Margaret L. Brandeau, Keith Humphreys, Eran Bendavid, MD, Mark Holodniy, Christopher Weyant, Douglas K. Owens, and Jeremy D. Goldhaber-Fiebert, "Cost-effectiveness of HIV preexposure prophylaxis for people who inject drugs in the United States"
>> Voir également l’article "Investing in people who inject drugs: A PrEPonderance of opportunities", en réponse à cette étude qui suggère - quel qu’en soit le coût - de systématiser l’usage de toutes les ressources préventives à disposition pour limiter le VIH
PHARMACOLOGIE
Modélisation des effets du LSD par neuroimagerie
Le diéthylamide de l’acide lysergique, mieux connu sous le nom de LSD se distingue parmi les substances psychoactives. Depuis sa découverte, il ne cesse de surprendre et de déconcerter la communauté scientifique. Une équipe de recherche vient d’examiner ses effets par neuroimagerie multimodale sur 20 individus volontaires sains, à l’aide de dispositifs de pointe. Les résultats de cette étude préliminaire contrôlée sont significatifs et mettent en évidence des changements notables au niveau cérébral, notamment en termes de débit sanguin, d’activité électrique et de communication entre les neurones. Ces effets sont fortement corrélés à l’activité hallucinogène et aux propriétés d’altérations de la conscience associées au LSD. En plus de conforter certaines hypothèses relatives aux effets du LSD sur la stabilité et l’intégrité de réseaux neuronaux déjà bien établis, cette étude permet d’aller plus loin dans la caractérisation des propriétés du LSD et sa capacité à reproduire ("model") certains états pathologiques et à en traiter d’autres. Ce travail mené dans la suite d’autres travaux conduits par la même équipe sur la psilocybine confirme donc l’intérêt de poursuivre les recherches sur les hallucinogènes avec, à terme, de potentielles perspectives d’applications thérapeutiques.
Source : Robin L. Carhart-Harris, Suresh Muthukumaraswamy, Leor Roseman, Mendel Kaelen, Wouter Droog, Kevin Murphy, Enzo Tagliazucchi, Eduardo E. Schenberg, Timothy Nest, Csaba Orban, Robert Leech, Luke T. Williams, Tim M. Williams, Mark Bolstridge, Ben Sessa, John McGonigle, Martin I. Sereno, David Nichols, Peter J. Hellyer, Peter Hobden, John Evans, Krish D. Singh, Richard G. Wise, H. Valerie Curran, Amanda Feilding, and David J. Nutt, "Neural correlates of the LSD experience revealed by multimodal neuroimaging", Proc. Natl. Acad. Sci. USA. 2016; 113:4853-4858.
>> Voir également une étude prospective publiée dans le Journal of psychopharmacology à propos d’un effet protecteur de l’usage de substances hallucinogènes sur la prévalence des situations de violence exercée par des partenaires intimes.
Zach Walsh, Peter S Hendricks, Stephanie Smith, David S Kosson, Michelle S Thiessen, Philippe Lucas, Marc T Swogger, "Hallucinogen use and intimate partner violence: Prospective evidence consistent with protective effects among men with histories of problematic substance use"
TABAC
Les autorités de contrôle du tabac en déroute aux Etats-Unis
Rien n’autorise à affirmer que valoriser l’e-cigarette par des messages publicitaires serait de nature à générer une dépendance à la nicotine chez les jeunes non-fumeurs. Au contraire, cette hypothèse a été infirmée de façon convaincante à la fois en Grande Bretagne et aux Etats-Unis. En revanche, la cigarette de tabac demeure le dispositif le plus dommageable et le plus addictif dans le paysage de la consommation de nicotine. Pourtant les autorités sanitaires américaines campent sur des positions jugées conservatrices à l’égard des dispositifs électroniques de libération de nicotine. La Food and Drug Administration, à travers sa cellule de régulation du tabac, en est un exemple, fustigé pour son immobilisme et ses prises de position rétrogrades. Selon ses opposants, au nom d’une prétendue scientificité, en défaut faute d’études de toxicité de la cigarette électronique suffisamment poussées, cette instance de régulation contribuerait au maintien du tabagisme en considérant la cigarette électronique comme un simple dérivé du tabac, sans égard pour les faisceaux de preuves qui suggèrent son efficacité dans une perspective de réduction des risques liés au tabac.
Source : "The tobacco control high command has lost its way - what we learn from its views on FDA priorities", The counterfactual, 21 avril 2016
>> ou encore Joel L. Nitzkin MD, "What drives Tobacco control policy?", Nicotine & Tobacco Research, 26 avril 2016
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