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19 mai 2016

POLITIQUE DES DROGUES

L’Allemagne s’ouvre au cannabis médical

En Allemagne, les patients porteurs de pathologies graves et rétives aux traitements habituels auront un accès facilité au cannabis dans une perspective de développement de l’offre de soins en contexte d’échec thérapeutique. Jusqu’à présent, la prescription de cannabis à visée thérapeutique était très contrôlée et requérait une demande d’autorisation préalable de nature à rebuter les prescripteurs. Assouplie, la nouvelle réglementation devrait ainsi permettre un meilleur déploiement de l’offre en cannabis médical.

Source : "Germany relaxes rules on using cannabis for medical purposes", Reuters, 4 mai

PREVENTION DES RISQUES

Une alternative à la diacétylmorphine dans le traitement de l’héroïno-dépendance

Un essai clinique de non-infériorité randomisé et contrôlé en double aveugle, a évalué à six mois l’efficacité comparée du chlorhydrate d'hydromorphone et de la diacétylmorphine (composé actif de l’héroïne) dans la réduction de l’usage illicite d’héroïne chez des usagers chroniques. Les participants, 202 usagers injecteurs d’héroïne à Vancouver ont été randomisés pour recevoir soit de l’hydromorphone (n=100) soit de la diacétylmorphine (n=102) par voie injectable, jusqu’à trois prises par jour, selon un protocole supervisé d’une durée de 6 mois. Qu’il s’agisse de l’analyse des patients randomisés - analyse en intention de traiter (ITT) ou de l’analyse per-protocole (PP), les résultats obtenus ont démontré la non-infériorité de l’hydromorphone, qui pourrait ainsi constituer une option thérapeutique alternative, la diacétylmorphine étant parfois non disponible, inefficace ou contre-indiquée chez certains patients.

Source : Eugenia Oviedo-Joekes, Daphne Guh, Suzanne Brissette, Kirsten Marchand, Scott MacDonald, Kurt Lock, Scott Harrison, Amin Janmohamed, Aslam H. Anis, Michael Krausz, David C. Marsh, Martin T. Schechter, "Hydromorphone compared with diacetylmorphine for long-term opioid dependence. A randomized clinical trial", JAMA Psychiatry. 2016;73(5):447-455. doi:10.1001/jamapsychiatry.2016.0109.
 

Etiez-vous « défoncé » quand vous avez lu (et ignoré) ce message de prévention ?

La perception et l’évaluation du danger peuvent être altérées sous l’influence de substances psychoactives. C’est un constat relativement évident mais qui jusqu’à présent ne figurait pas nécessairement parmi les variables prises en compte dans l’élaboration des messages de prévention. Une étude américaine parue dans Health Education Research fournit un socle empirique à ce constat à travers l’examen de l’association entre le fait de se déclarer sous l’influence du cannabis et l’image que l’on a du fait de conduire sous l’influence de drogues et/ou en état d’ébriété. Les données de cette étude ont été collectées en ligne, en 2014, auprès d’un échantillon de 865 adultes ayant consommé du cannabis dans les 30 jours précédant l’enquête dans les Etats de Washington et du Colorado. La question « étiez-vous sous l’influence de drogues ou ressentiez-vous les effets du cannabis lorsque vous avez répondu à cette enquête » leur a été posée, afin d’analyser les réponses aux autres questions relatives aux risques associés à la conduite sous influence, selon qu’elles étaient renseignées sous l’influence de cannabis, ou non. Sans grande surprise, les personnes déclarant avoir consommé du cannabis au moment de l’enquête tendaient à minimiser les risques associés à la conduite sous influence, plus enclins à affirmer qu’ils pouvaient rouler en toute sécurité en ayant consommé du cannabis (OR : 3,13, P < 0.001), ou de l’alcool (OR : 3.71, P < 0.001) comparés aux répondants ayant déclaré ne pas avoir consommé de cannabis au moment du sondage.

Source : Jane A. Allen, Kevin C. Davis, Jennifer C. Duke, James M. Nonnemaker, Brian R. Bradfield, Matthew C. Farrelly, Scott P. Novak, Gary A. Zarkin, "Association between self-reports of being high and perceptions about the safety of drugged and drunk driving", Health Education Research

PHARMACOLOGIE

Mécanismes des effets antipsychotiques du cannabidiol

La fonction pharmaco-thérapeutique du cannabidiol (CBD) est aujourd’hui bien documentée. En effet, alors que le THC a été identifié pour ses effets pro-psychotiques, le CBD contrerait les propriétés psychotomimétiques du THC et améliorerait les symptômes psychotiques des patients atteints de schizophrénie. Cependant les mécanismes par lesquels le cannabidiol exerce cette activité antipsychotique demeurent mal connus. Une étude parue dans le Journal of neuroscience vient de mettre en évidence un mécanisme neuronal et moléculaire inédit à l’intérieur du système mésolimbique, conférant au noyau accumbens un rôle fonctionnel critique, en tant que région du cerveau où le CBD peut produire des effets similaires aux médicaments antipsychotiques via une interaction directe avec  la signalisation mTOR  p70S6-kinase.

Source : Justine Renard, Michael Loureiro, Laura G. Rosen, Jordan Zunder, Cleusa de Oliveira, Susanne Schmid, Walter J. Rushlow, and Steven R. Laviolette, "Cannabidiol counteracts amphetamine-induced neuronal and behavioral sensitization of the mesolimbic dopamine pathway through a novel mtor/p70s6 kinase signaling pathway", Journal of neuroscience
 

GENETIQUE

La dépendance au cannabis à l’épreuve de la génétique

Une étude génomique de grande ampleur menée sur 3 cohortes représentant 14 754 individus présentant une dépendance vient d’identifier selon les critères du DSM-IV et pour la première fois, des allèles prédictifs d’un risque de dépendance au cannabis et des facteurs génétiques constituant un sur-risque de survenue de comorbidités dont dépression majeure et schizophrénie.  

Source : Sherva R, Wang Q, Kranzler H, Zhao H, Koesterer R, Herman A, Farrer LA, Gelernter J., "Genome-wide association study of cannabis dependence severity, novel risk variants, and shared genetic risks", Jama Psychiatry
 

DROGUES ET SOCIETE

Epidémie d’overdoses d’opioïdes aux Etats-Unis : un laboratoire incriminé par la presse américaine

Une enquête du Los Angeles Time émeut la communauté scientifique et médiatique. Le laboratoire qui produit l’Oxy-Contin y est pris à partie, présenté comme responsable du mésusage de cette molécule chez des patients auxquels elle aurait été prescrite comme antalgique. Le laboratoire aurait fait pression et obtenu l’accord de la Food and drug Administration pour un lancement rapide de l’Oxy-Contin censé contrer l’arrivée des génériques dont cette molécule devait se distinguer, avec une durée d’action de 12 heures, soit deux fois plus longue que celle de ses concurrents. A l’origine d’un médicament aujourd’hui très répandu et très lucratif, le laboratoire n’aurait jamais démenti cette posologie contestable et parfois inadaptée, avec des conséquences tragiques pour certains patients, selon le quotidien américain. A travers des « histoires de vie » de patients, le Los Angeles Times produit un document à charge sur un sujet particulièrement sensible actuellement aux Etats-Unis.

Source : "You want a description of hell?" OxyContin’s 12-hour problem, Los Angeles Times
Voir aussi "OxyContin's grip shows drug companies prioritize their bottom lines over human lives"

>> Voir aussi "US drug maker resisted changes to its opioid dosing recommendations to protect revenue, newspaper alleges"
BMJ 2016; 353 doi: http://dx.doi.org/10.1136/bmj.i2683 (Published 11 May 2016)

 

INSOLITE

Mésusage de loperamide en auto-substitution

Le loperamide est un agoniste opiacé utilisé comme anti-diarrhéique, en vente sans ordonnance et très répandu. A des doses normales, ses effets sur le système nerveux central sont quasi nuls du fait d’une très faible biodisponibilité en prise orale. Les Annals of emergency medicine consacrent un article à son implication dans deux cas d’intoxication létale. Ces intoxications auraient été provoquées par des surdoses censées mimer les effets des opiacés chez des patients en situation de dépendance, dans une dynamique d’automédication, détournement allant s’amplifiant selon les auteurs. Parmi les manifestations cliniques les plus fréquentes, les auteurs ont relevé des myosis, dépressions du système respiratoire et nerveux central tandis que des dysrythmies cardiaques sévères ont été observées post-overdose.

Source : William Eggleston, Kenneth H. Clark, Jeanna M. Marraffa, "Loperamide abuse associated with cardiac dysrhythmia and death", Annals of emergency medicine

>> Voir aussi dans BMJ (mai 2015)
BMJ Case Reports 2015; doi:10.1136/bcr-2015-209705