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19 avril 2016

POLITIQUE DES DROGUES

Chasse à l’ours

Parce qu’ils ont la forme d’une sucrerie adulée par les enfants, les pot-infused gummy bears, bonbons en forme d’oursons à base de cannabis pourraient être interdits dans le Colorado. Suite à de nombreuses hospitalisations pour intoxications pédiatriques et du fait de leur caractère incitatif, ils constituent un danger comme le soutient le gouverneur de l’Etat du Colorado, bien décidé à partir en croisade comme l’a fait l’Etat de Washington avant lui, contre la mise sur le marché de produits dérivés de l’industrie (très florissante) du cannabis susceptibles d’être assimilés à des produits destinés aux enfants.

Source : "Colorado lawmaker aims to outlaw pot-laced gummy bears", Reuters, 8 avril
 

Imposer la propagation du VIH en tête des préoccupations des décideurs de l’UNGASS

A quelques jours du sommet du sommet de l’UNGASS et en écho à son rapport paru en mars sur les politiques des drogues à l’échelle mondiale, le Lancet se prononce dans le cadre d’un éditorial sur la nécessité de porter la question de la propagation du VIH chez les usagers de drogues en première ligne des travaux de l’UNGASS. A cet égard, le Lancet relaie quelques données sans appel : les usagers de drogues par voie injectable qui n’ont pas accès à du matériel propre figurent parmi les plus exposés au risque de VIH. On estime entre 12 et 19 millions le nombre d’usagers injecteurs (UDVI) dans le monde dont 1,65 millions seraient porteurs du VIH. En Lybie, à Tripoli, 87 % des UDVI seraient porteurs du VIH, 53 % à Bucarest en Roumanie, 25 % à Riga en Lettonie. En Asie du sud-ouest, la prévalence du VIH chez les UDVI se rapproche des 30 %, en Europe de l’est, elle dépasse les 20 %. Enfin, 4 pays se partagent près de 63 % des UDVI porteurs du VIH dans le monde : la Chine, le Pakistan, la Russie et les Etats-Unis. Tout aussi préoccupante est la recrudescence actuelle aux USA (après des années de stabilisation) de la contamination par le VIH chez les usagers de drogues par voie injectable, comme l’a bien montré l’étude menée en Indiana en 2015.

Source : "UNGASS: time to put HIV at the forefront of drug policy", The Lancet HIV

>> Lire aussi : Conrad C et al., "Community outbreak of HIV infection linked to injection drug use of oxymorphone - Indiana, 2015", MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2015 Apr 24; 64:1.
 

PREVENTION DES RISQUES

Cocaïne et mésusage d’alcool constituent un sur-risque de suicide chez les individus suicidaires

La consommation de substances psychoactives pourrait être impliquée dans l’étiologie des tentatives de suicide (TS) consécutives à un antécédent de tentative de suicide, lui-même fréquemment associé à des facteurs de type sociodémographiques. C’est ce que suggère la revue Crisis dans une étude ayant porté sur 874 individus. Parmi les individus inclus dans l’étude, 195 (22 %) rapportaient une tentative de suicide (TS) dans les 12 mois suivant une consultation en services d’urgence ayant mené à un diagnostic de TS ou de comportements suicidaires. Parmi les individus déclarant une TS, 59 % étaient âgés de moins de 40 ans, 59 % étaient des femmes et 76 % des caucasiens non-hispaniques. Or, selon les consommations déclarées au moment de l’inclusion et à l’issue d’un suivi régulier par entretiens téléphoniques sur un an, le lien établi entre ces variables sociodémographiques, antécédents suicidaires et TS dans les 12 mois suivant le diagnostic clinique de risque suicidaire serait médié par un mésusage d’alcool et une consommation de cocaïne associés identifiés comme statistiquement significatifs au sein de cette population.

Source : Sarah A. Arias, Orianne Dumas, Ashley F. Sullivan, Edwin D. Boudreaux, Ivan Miller, and Carlos A. Camargo, Jr., "Substance use as a mediator of the association between demographics, suicide attempt history, and future suicide attempts in emergency department patients", Crisis, 4 avril 2016
DOI: 10.1027/0227-5910/a000380

 

VU D'AILLEURS

Les NPS dans 5 pays d’Europe

Parmi les publications récentes du groupe de recherche NPS qui milite en faveur d’interventions de santé publique efficientes et innovantes autour de l’émergence des nouvelles substances psychoactives (NPS) en Europe, un nouveau rapport publié en février dernier a compilé les données de 5 pays : la Tchéquie, la Grèce, le Portugal, la Pologne et la Roumanie, relatives aux tendances de consommation des NPS chez les personnes fortement consommatrices de drogues PFCD (« people who use drugs heavily »).
Les modalités de consommation et les produits les plus consommés, la fréquence des usages exclusifs de NPS ou des polyconsommations, les effets somatiques et psychologiques associés, le sur-risque d’overdose et de contamination par le VIH encouru ont été renseignés pour chaque pays en recensant les données disponibles et en les complétant de données qualitatives fournies par des groupes focaux. Ce rapport recense également les politiques et programmes de santé publique en vigueur, par pays, et met en évidence les similitudes et dissensions en matière de réduction des risques. Les conclusions font état d’un développement rapide de l’accessibilité des NPS, avec cependant une consommation quasi nulle chez les PFCD au Portugal et très intense en Tchéquie (1/3) et en Roumanie (2/3). Dans un contexte de rareté des drogues classiques de bonne qualité, de lieux de trafic à haut risque, de coûts prohibitifs, les NPS attirent les populations vieillissantes d’usagers, les grands consommateurs de stimulants et d’opiacés et les jeunes générations. La préférence des PFCD va vers les cathinones de synthèse qui rivalisent avec leurs substances de prédilection : les opioïdes et les stimulants, surtout. Une donnée intéressante en Tchéquie concerne le développement de l’usage d’opioïdes de synthèse légaux et ainsi l’intérêt d’une extension de l’accès à la naloxone auprès de ces populations et pas uniquement des consommateurs d’héroïne.

Source : "New psychoactive substances among people who use drugs heavily. Towards effective and comprehensive health responses in Europe."
 

EPIDEMIOLOGIE

« Oh girls, they wanna have fun »

Plus grande acceptabilité sociale de la consommation d’alcool, émancipation féminine, évolutions des usages ? Difficile de connaître les raisons qui sous-tendent la précocité des consommations d’alcool chez les jeunes filles dont l’initiation à l’alcool survient aujourd’hui parfois plus tôt que chez les garçons. C’est ce que suggère une étude ayant évalué l’évolution de l’incidence des consommations d’alcool selon l’âge et le sexe aux Etats-Unis afin de compléter les données épidémiologiques existantes. La population étudiée était âgée de 12 à 24 ans et résidait aux Etats-Unis. Les estimations avancées proviennent de 12 enquêtes nationales consécutives sur l’usage de drogues et les données de santé ( i.e. U.S. national surveys on drug use and health » (NSDUH)) entre 2002 et 2013 portant chacune sur un échantillon représentatif de la population évaluée à partir d’un auto-questionnaire par ordinateur (n≈ 390 000 questionnaires analysés). A l’aune des données traitées, l’existence d’un « gender gap » indiquant un effet de genre dans l’incidence de l’initiation à l’alcool avec une surreprésentation du sexe masculin ne serait plus pertinente chez les jeunes adolescents. Plus encore, d’après ces données, être une jeune fille présenterait un sur-risque de consommer de l’alcool en deçà de l’âge légal de consommation.

Source : Cheng HG, Cantave MD, Anthony JC , "Taking the first full drink: epidemiological evidence on male-female differences in the United States", Alcohol Clinical Experience Research, avril 2016;40(4):816-25. doi: 10.1111/acer.13028.
 

Naltrexone et maintien de l’abstinence aux opioïdes

Parue dans le New England Journal of Medicine, une nouvelle étude randomisée a comparé l’efficacité de la naltrexone - traitement antagoniste des opiacés - à celle des traitements habituels en vigueur, sur la prévention du risque de rechute consécutive à une période d’abstinence aux opioïdes auprès d’une population d’individus ayant eu affaire à la justice criminelle aux Etats-Unis. 308 personnes ont été incluses dans l’étude entre février 2009 et novembre 2013 dont 153 ont bénéficié de naltrexone et 155 d’une intervention brève avec orientation vers les programmes de santé communautaire (IBOP). Durant la phase de traitement sur 24 semaines, les individus sous naltrexone présentaient un temps médian d’abstinence avant rechute plus important (10,5 semaines Vs 5 semaines, P < 0,001; HR de rechute, 0,49; 95 % [IC], 0,36 à 0,68). 66 participants sous naltrexone (43 %) connaissaient un épisode de rechute contre 99 (64 %) dans le groupe IBOP (P < 0,001; odds ratio, 0,43; 95 % IC, 0,28 à 0,65). Dans le cadre du suivi, un an environ après la fin des 24 semaines de traitement, le ratio d’échantillons d’urine négatifs étaient de 46 % dans les deux groupes (P = 0,91). Les comportements associés évalués avant l’inclusion comme les consommations déclarées de cocaïne, d’alcool, l’usage de drogues par voie injectable, les conduites sexuelles à risque et les réincarcérations n’étaient pas significativement plus faibles dans le groupe naltrexone VS groupe IBOP. Enfin, sur les 78 semaines d’observation, aucune overdose n’était enregistrée dans le groupe naltrexone contre 7 dans le groupe IBOP.


Source : Joshua D. Lee, Peter D. Friedmann, Timothy W. Kinlock, Edward V. Nunes, Tamara Y. Boney, Randall A. Hoskinson, Jr., Donna Wilson, M.S., Ryan McDonald, John Rotrosen, Marc N. Gourevitch, M.P.H., Michael Gordon, Marc Fishman, Donna T. Chen, Richard J. Bonnie, James W. Cornish, Sean M. Murphy, and Charles P. O’Brien, "Extended-release naltrexone to prevent opioid relapse in criminal justice offenders", New England Journal of Medicine, 31 mars 2016, doi: 10.1056/NEJMoa1505409

SEVRAGE TABAGIQUE

Le patch nicotinique : une aide au sevrage tabagique pour la femme enceinte ?

Menée à partir des données d'un essai randomisé contre placébo ayant inclus 1 050 femmes enceintes, une étude a évalué le lien entre adhésion à un traitement de substitution nicotinique (patchs) et arrêt du tabagisme. D’après les données enregistrées et en tenant compte par une analyse multivariée des facteurs de confusion, une plus grande adhérence aux patchs nicotiniques était statistiquement associée à une plus forte propension à l’arrêt (odd ratio 2,47, 95% IC : 1,32 à 4,63), association non vérifiée chez les femmes exposées aux « patchs placébo » (odd ratio 0,98, 95% IC : 0,44 à 2,18). L’étude a relevé par ailleurs chez les femmes plus dépendantes au tabac, une observance du traitement plus limitée dans le temps comparée à l’observance des femmes moins dépendantes.  

Source : Luis R. Vaz, Paul Aveyard, Sue Cooper, Jo Leonardi-Bee, Tim Coleman , "The association between treatment adherence to nicotine patches and smoking cessation in pregnancy: A secondary analysis of a randomized controlled trial"
 

INSOLITE

 Anatomy of a drugged driving suit

L’idée originale provient du constructeur automobile Ford qui s’est allié à une entreprise allemande pour créer une combinaison capable de simuler, sur celui ou celle qui la porte, quelques-unes des sensations que l’on peut éprouver à des degrés divers, lors de la conduite d’un véhicule sous l’emprise de substances psychoactives. Temps de réaction plus long, vision altérée, tremblements des membres inférieurs, troubles de la coordination ont été ainsi reconstitués dans une perspective de sensibilisation.

Source : Emily Mertz, "What is it like to drive drugged? Ford creates a suit to show you", Global news