POLITIQUE DES DROGUES
La régulation du cannabis selon The Economist
Le magazine The Economist, militant de longue date pour que prenne fin la guerre contre les drogues, se penche sur les acquis et les ingrédients d’une bonne régulation du cannabis. Les impulsions données par les grands pays comme le Canada seront décisives car le reste du monde s’en inspirera. Autant prendre les bonnes décisions, annonce le magazine britannique. Comment organiser le marché ? Faut-il fixer des seuils de consommation ? Qui assurera la distribution ? Comment fixer les différentes taxations ? Comment prévenir les usages au sein des jeunes populations ? Ces questions délicates ne trouvent pas de réponses toujours bien définies dans les différents pays où le cannabis est aujourd’hui en vente libre. Sur fond de considérations macro-économiques et géopolitiques, le magazine s’essaie à des projections et recommandations en matière de prévention, taxation et publicité là où le modèle américain leur apparaît comme inabouti voire laxiste à certains égards.
Source : "The right way to do drugs. The argument for the legalisation of cannabis has been won. Now for the difficult bit", The Economist, 13 février 2016
Alice au pays du cannabis
Près d’un an après la légalisation de l’usage mais non de la vente de cannabis à Washington, beaucoup d’observateurs s’accordent pour considérer que cette législation paradoxale entretient le trafic illicite et l’illégalité des usagers qui doivent se résoudre à acheter « illégalement » le cannabis qu’ils fumeront « légalement ». Ainsi, sous la pression des législateurs estimant la position du Congrès totalement intenable dans la durée, une licence pour l’ouverture de clubs de cannabis est actuellement étudiée. Dans le même temps, la culture de cannabis à domicile bat son plein tandis que les arrestations associées au cannabis tendent à diminuer très significativement : 276 personnes auraient été interpellées en 2015 dans la capitale, contre 4 814 en 2011.
Source : "Pot fans, foes fume as Washington DC tests limits of high life", Reuters, 8 février 2016
Consommation d’alcool chez les jeunes : quelles recommandations européennes ?
La consultation d’experts ayant porté sur l’alcool au sein des jeunes populations, telle qu’elle a été conduite par le groupe Reducing Alcohol-Related Harm (RARHA), selon la méthode de Delphes, a permis de faire émerger des divergence et similitudes dans la façon dont les pays d’Europe envisagent ce phénomène et les moyens de le contrôler.
Tandis que certains pays défendent une tolérance zéro pour les jeunes en deçà de 18 ans, d’autres veulent prendre acte de la réalité des consommations et croient nécessaire de s’engager dans des actions visant la réduction des dommages. Toutefois, les experts s’entendent pour l’élaboration de recommandations concertées impliquant les gouvernements, les associations médicales, les sociétés savantes et les intéressés. Ils sont nombreux également à défendre l’interdiction de consommer de l’alcool en deçà de 16 ans. Plus encore, qu’ils aient 16 ou 17 ans, dans l’idéal, les jeunes ne devraient pas être autorisés à consommer de l’alcool mais s’ils le font malgré tout, les experts préconisent que leur soient délivrés des conseils de réduction des dommages et une information compréhensive de type intervention brève motivationnelle.
Parmi les facteurs clés identifiés pour agir sur les risques associés aux consommations d’alcool des jeunes, la réduction des dommages en est une, l’amélioration de la communication parents-enfants en est une autre, la question de l’accessibilité des boissons alcoolisées également et la mise en place de politique de prévention intégrée agissant au niveau individuel et structurel. Enfin, pour être à la mesure de l’enjeu de santé publique que représente la consommation d’alcool chez les jeunes, les recommandations devront porter sur ses conséquences à long-terme et non pas seulement à court-terme.
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REDUCTION DES RISQUES
La ville de London accueillera-t-elle bientôt une salle de consommations à moindre risque ?
La ville canadienne de London dans l’Ontario constitue-t-elle un écrin favorable à l’implantation d’une salle d’injection supervisé ? Dispose-t-elle des ressources, des infrastructures mais surtout de la culture de réduction des risques nécessaires à un projet comme celui-ci ? L’opinion publique est-elle disposée à accepter l’existence de ce site voire à la soutenir ? Sera-t-il investi par les usagers de drogues par voie injectable pour réduire les dommages liés aux pratiques d’injection ? Ce sont tous ces aspects qui seront explorés dans le cadre d’une étude de faisabilité portée par une équipe de chercheurs de la Western University en partenariat avec l’Ontario HIV treatment network et la Regional HIV/AIDS connection.
Source : Miranda Chant, "Will London support supervised injection site?", 4 février 2016
Age légal de consommation d’alcool et infractions routières au Canada
Atteindre l’âge légal de consommation d’alcool (ALCA) est fortement associé à la survenue d’infractions routières liées à l’alcool (IRLA) chez les jeunes canadiens. C’est ce que révèle une étude ayant porté sur les données issues de la Canadian 2009-2013 Uniform Crime Reporting Survey.
Les résultats interpellent, avec une augmentation de 42,8 % (95 % CI = 20,4 %-66,3 %, P < 0.001) des IRLA pour les régions avec un ALCA de 18 ans, de 28,1 % (95 % CI = 16 %-40.7 %, P < 0,001) pour un ALCA de 19 ans et de 35,1 % (95 % CI = 22.4%-48.4 %, P < 0.001) au niveau national. Parmi les jeunes femmes, une augmentation de 39,9 % (95 % CI = 1,9 %-79,6 %, P = 0.040) des IRLA dans les régions où l’ALCA est de 18 ans et de 19,4 % (95 % CI = 2,1 %-37,4 %, P = 0,028) au niveau national, ont aussi été relevées. Tandis que le Canada s’interroge sur la pertinence d’un ACLA fixé à 21 ans, cette étude met en évidence une augmentation très abrupte des infractions routières chez les jeunes qui viennent de dépasser l’ACLA - filles et garçons - et plus significative dans les régions où celui-ci est fixé à 18 ans vs 19 ans.
Source : Russell C. Callaghan, Jodi M. Gatley, Marcos Sanches, Mark Asbridge, Tim Stockwell, "Impacts of drinking-age legislation on alcohol-impaired driving crimes among young people in canada, 2009-2013", Addiction - DOI: 10.1111/add.13310
EPIDEMIOLOGIE
Cannabis et troubles de l’usage de substances
A rebours des études suggérant l’existence d’un lien de type causal entre usage de cannabis et certains troubles de la santé mentale, une nouvelle étude parue dans Jama Psychiatry apporte des éléments qui viennent préciser cette hypothèse pour en construire une autre : la consommation de cannabis serait fortement associée au développement de troubles de l’usage de substances (TUS).
L’étude a été menée auprès d’un échantillon représentatif de la population américaine âgée de 18 ans et plus, issu de la National epidemiologic survey on alcohol and related conditions (NESARC) (vague 1 : 2001-2002 et vague 2 : 2003-2004). 43 093 participants ont été sélectionnés pour recevoir deux interviews à 3 ans d’intervalle. Le diagnostic différentiel des troubles associés à l’usage de cannabis a été conduit selon les critères du DSM-IV en utilisant l’Alcohol use disorder and associated disabilities interview schedule (AUDADIS-IV).
A l’issue des 2 vagues, 34 653 personnes interrogées ont été incluses dans l’analyse (14 564 hommes et 20 089 femmes) âge moyen : 45,1 [17,3] ans). Parmi elles, 1 279 personnes rapportaient une consommation de cannabis en vague 1 (2001-2002), celle-ci étant significativement associée à un trouble de l’usage de substances (TUS) en vague 2 (TUS toutes substances confondues : odds ratio [OR], 6,2; 95 % IC, 4,1-9,4; TUS alcool : OR, 2.7; 95 % IC, 1,9-3,8; TUS cannabis : OR, 9,5; 95 % IC, 6,4-14,1; TUS autres drogues : OR, 2.6; 95 % IC, 1,6-4,4 ; et dépendance à la nicotine : OR, 1.7; 95 % IC, 1,2-2,4). En revanche, la consommation de cannabis en vague 1 n’était pas associée de façon significative à des troubles de l’humeur (OR, 1,1; 95% IC, 0,8-1,4) ou troubles anxieux (OR, 0,9; 95 % IC, 0,7-1,1).
La même configuration au niveau des résultats a été observée en termes de prévalence des troubles psychiatriques en vague 2 dans les analyses de régression multiple et dans l’analyse par score de propension d’incidence et de prévalence des troubles psychiatriques. L’existence d’un nombre important de variables confondantes, contrôlées dans cette étude, permet d’expliquer, selon les auteurs, le crédit communément accordé à l’hypothèse non validée ici d’une relation directe entre cannabis et troubles de l’humeur et de l’anxiété.
L’une des forces de cette analyse prospective est en effet d’avoir tenu compte des variables associées à la survenue d’un trouble de la santé mentale dont les conditions sociales et démographiques, des antécédents familiaux de troubles de l’usage de substances, un environnement familial difficile, la perte d’un parent durant l’enfance, une faible estime de soi, le niveau d’éducation, un traumatisme récent, des troubles psychiatriques passés ou récents, un divorce. Ces résultats n’en demeurent pas moins préoccupants puisque l’usage de cannabis y est associé à sur-risque d’incidence et de prévalence de troubles de l’usage de substances, risque majoré en contexte d’usage fréquent.
Source : Carlos Blanco, Deborah S. Hasin, Melanie M. Wall, Ludwing Flórez-Salamanca, Nicolas Hoertel, Shuai Wang, Bradley T. Kerridge,; Mark Olfson, "Cannabis use and risk of psychiatric disorders", Prospective Evidence From a US National Longitudinal Study, JAMA Psychiatry. 17 février 2016 - doi:10.1001/jamapsychiatry.2015.3229
PHARMACOLOGIE
« Always Coca-Cola »
Une équipe de recherche hollandaise vient de gratifier le coca-cola d’un intérêt inédit. Son étude randomisée transversale parue dans le Journal of clinical oncology a mis en évidence l’impact du coca-cola sur les interactions non désirées entre la molécule erlotinib administrée notamment aux patients souffrant de cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) et des inhibiteurs de la pompe à protons, groupe de molécules agissant sur la production d'acide gastrique. En modifiant le degré d’acidité du PH de l’estomac, le coca-cola interviendrait dans la pharmacocinétique de la molécule Erlotinib en contexte de traitement combiné erlotinib-Esomeprazole, en augmentant sa biodisponibilité là où l’ésomeprazole seul la diminuait.
Source : Roelof W.F. van Leeuwen, Robert Peric, Koen G.A.M. Hussaarts, Emma Kienhuis, Nikki S. IJzerman, Peter de Bruijn, Cor van der Leest, Henk Codrington, Jeroen S. Kloover, Bronno van der Holt, Joachim G. Aerts, Teun van Gelder and Ron H.J. Mathijssen, "Influence of the Acidic Beverage Cola on the Absorption of Erlotinib in Patients With Non–Small-Cell Lung Cancer", Journal of clinical oncology, 8 février 2016. DOI: 10.1200/JCO.2015.65.2560
SEVRAGE TABAGIQUE
Analyse comparée de deux types de dispositif d’accompagnement au sevrage tabagique
Quelle est l’efficacité comparée des programmes d’aide au sevrage tabagique dès lors qu’ils s’effectuent via l'utilisation de sites web ou de services téléphoniques ? A partir de l’indicateur du taux d'abstinence tabagique à 7 mois, l'efficacité de ces deux modalités d'accompagnement a été comparée dans le cadre d’une étude d’envergure menée dans 4 états américains auprès de 4 086 fumeurs. L’étude identifie des profils d’utilisateurs différents selon ces modalités : des utilisateurs des services téléphoniques à capitaux social et éducatif moindres, plus souvent sans emploi et célibataires comparés aux utilisateurs de services en ligne. Quant à l’efficacité de ces deux modalités d’aide au sevrage, les usagers des services par téléphone présentaient une probabilité plus importante (1,26) de rapporter un maintien de l’abstinence à 7 mois que les usagers des services Web (95% IC, 1.00-1.58) sans que ce résultat présente une significativité statistique (P = .053). Parmi les facteurs favorisant le sevrage, l’étude a pu mettre en évidence le statut marital (OR 1,41, 95 % IC 1,20-1,64), qu’il n’y ait pas d’autre fumeur dans le foyer (OR 2,35 ; IC 95% 2,00-2 ,77), un tabagisme modéré au moment de l’inclusion et une bonne adhésion au programme.
Source : Antonio J. Neri, Behnoosh R. Momin MS, Trevor D. Thompson, Jennifer Kahende, Lei Zhang, Mary C. Puckett, Sherri L. Stewart, "Use and effectiveness of quitlines versus Web-based tobacco cessation interventions among 4 state tobacco control programs", Cancer, 8 février 2016
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