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8 septembre 2016

POLITIQUE DES DROGUES

« It’s a good day for science »

L’administration Obama est sur le point de lever un obstacle majeur au développement de la recherche sur le cannabis. Une nouvelle législation, qui devait prendre effet au courant du mois d’août, permettra à toute institution dont le protocole de recherche a été approuvé et répondant aux normes de sécurité relatives au stockage de substances dites « dangereuses », de postuler pour bénéficier d’un accès au cannabis dans une perspective de recherche. En effet - et ce n’est pas un moindre paradoxe - alors que 25 États américains autorisent la consommation de cannabis à des fins thérapeutiques pour un nombre grandissant de pathologies, les recherches sur son efficacité sont encore rares. Or, jusqu’à présent, seule l’Université du Mississippi jouissait du droit de cultiver le cannabis nécessaire à ses recherches. Cette avancée législative devrait changer la donne et donner plus d’assise scientifique au développement du cannabis médical aux États-Unis et dans le monde.

Source : "Obama administration set to remove barrier to marijuana research", The New York Times, 10 août 2016

 

VU D'AILLEURS

A mesure que l’épidémie d’overdose d’opiacés augmente aux États-Unis, le prix des traitements suit

130 décès par overdose sont enregistrés chaque jour aux États-Unis. Cette forte prévalence n’est pas sans effet sur le marché des traitements en vigueur dont le prix de vente a sensiblement augmenté en dix ans allant jusqu’à menacer leur accessibilité. C’est le cas notamment pour la naloxone. Le groupe Hospira proposait ainsi en 2005 ses ampoules de naloxone à 1,10 $ contre 19 $ en 2014. Or pour limiter la mortalité liée aux overdoses, il faut pouvoir la diffuser très massivement aux communautés d’usagers de drogues et ce modèle n’est opérant que si le produit est accessible à bas prix.

Source : "As need grows for painkiller overdose treatment, companies raise prices", Los Angeles Times
>> Lire également : "Naloxone saves lives, but is no cure in heroin epidemic", New York Times


 

PREVENTION DES RISQUES

Comportements suicidaires et usage non médical de médicaments sur prescription chez l’adolescent

Une étude longitudinale parue dans le Jama Pediatrics a évalué l’impact de l’usage détourné de médicaments sur prescription sur le risque suicidaire chez l’adolescent. L’étude a porté sur un échantillon randomisé de 3 273 étudiants chinois âgés de 13,7 ans en moyenne. Les variables sociodémographiques ayant été contrôlées, les résultats finaux ont montré que  les symptômes dépressifs, les problèmes liés à l’alcool, les idées suicidaires, les tentatives de suicide et le mésusage d’opioïdes ( [AOR], 2,31; 95  % IC, 1,30-4,11),  le mésusage de sédatifs  (AOR, 4,46; 95 % IC, 1,54-7,94), et le mésusage de médicaments sur prescription (AOR, 1.97; 95% CI, 1,21-3,23) étaient positivement associés aux idées suicidaires à 1 an. De plus, le mésusage d’opioïdes (AOR, 3,39; 95 % IC, 1,33-5,63 l’usage non médical de médicaments sur prescription  (AOR, 2,91; 95 % IC, 1,26-3,71) étaient associés de façon indépendante à des tentatives de suicide consécutives, les variables de sexe, âge, statut socioéconomique du foyer, modes de vie, symptômes dépressifs, problèmes liés à l’alcool, idées et tentatives de suicide ayant été contrôlées.

Source : Lan Guo, Yan Xu, Jianxiong Deng, Jinghui Huang, Guoliang Huang, Xue Gao, Hong Wu, Siyuan Pan, Wei-Hong Zhang, MD, Ciyong Lu, MD, "Association between nonmedical use of prescription drugs and suicidal behavior among adolescents", Jama Pediatrics

 

EPIDEMIOLOGIE

Consommation excessive d’alcool et tabagisme figurent parmi les principaux facteurs de risque d’AVC

Une vaste étude cas-témoins issue de la cohorte INTERSTROKE réalisée dans 32 pays d’Asie, d’Amérique, d’Europe, d’Australie, du Moyen Orient et d’Afrique sur une population de patients ayant subi un accident vasculaire cérébral sévère et une population contrôle sans antécédent d’AVC, identifie 10 facteurs de risque modifiables à l’origine de 90 % des AVC recensés. Un total de 26 919 participants ont été recrutés dont 13 447 cas-témoins et 13 472 cas contrôle. Parmi ces facteurs de risque, le statut tabagique présente un sur-risque de 1,67 (OR 1,67 ; IC 1,64-2,67) en 6ème position, et la consommation d’alcool excessive un sur-risque de 2,09 (OR 2,09 IC ; IC 1,64 – 2,67) en 4ème position. Les autres facteurs de risque identifiés sont l’hypertension, le diabète, l’activité physique, le régime alimentaire, les facteurs psychosociaux, l’obésité abdominale, les antécédents cardiaques et un rapport élevé apolipoprotéine B/apoliprotéine A1.

Source : Martin J O'Donnell, Siu Lim China, Sumathy Rangarajan, Denis Xavier, Lisheng Liu, Hongye Zhang, Purnima Rao-Melacini, Xiaohe Zhang, Prem Pais, Steven Agapay, BSca, Patricio Lopez-Jaramillo, Albertino Damasceno, Peter Langhorne, Matthew J McQueen, Annika Rosengren, Mahshid Dehghan, Graeme J Hankey, Antonio L Dans, MDk, Ahmed Elsayed, MDl, Alvaro Avezum, Charles Mondo, Hans-Christoph Diener, Danuta Ryglewicz, Anna Czlonkowska, Nana Pogosova, Christian Weimar, Romaina Iqbal, Rafael Diaz, Khalid Yusoff, Afzalhussein Yusufali, Aytekin Oguz, Xingyu Wang, Ernesto Penaherrera, Fernando Lanas, Okechukwu S Ogah, Adesola Ogunniyi, Helle K Iversen, German Malaga, Zvonko Rumboldt, Shahram Oveisgharan, Fawaz Al Hussain, Daliwonga Magazi, Yongchai Nilanont, John Ferguson, Guillaume Pare, Salim Yusuf, on behalf of the INTERSTROKE investigators, "Global and regional effects of potentially modifiable risk factors associated with acute stroke in 32 countries (INTERSTROKE): a case-control study", The Lancet, Volume 388, Issue 10046, 20–26 août 2016

 

RECHERCHE FONDAMENTALE

Tolérance aux analgésiques morphiniques : quels sont les mécanismes impliqués ?

La tolérance aux opioïdes constitue un risque significatif en contexte de prise en charge de la douleur. Or ni ses mécanismes, ni les moyens de la prévenir ne sont aujourd’hui bien connus. Une étude réalisée sur des souris apporte à cet égard de nouveaux éléments et montre comment le récepteurs 4 de type Toll (TLR4) entraîne ce phénomène de tolérance via le facteur de nécrose tumorale (TSF) qui produit la signalisation TLR4, qui à son tour promeut le signal glutaminergique, un composant clé de la résistance aux opioïdes. Or, l’injection systématique de la substance XPro1595, sensée normaliser cette réponse neuro-inflammatoire, préserve efficacement l’action antalgique de la morphine et supprime le phénomène de tolérance. Cette action en fait une cible thérapeutique toute désignée pour prévenir la neuro-inflammation induite par la morphine, le phénomène de tolérance et le phénomène de dépendance qu’il peut générer chez les individus.

Source : Eidson LN, Inoue K, Young LJ, Tansey MG, Murphy AZ, "Toll-like receptor 4 mediates morphine-induced neuroinflammation and tolerance via soluble tumor necrosis factor signaling"

 

DROGUE ET SOCIETE

Vous l’aimez plutôt fin ou bien dodu ?

Le New York Times a enquêté sur la quantité de cannabis présente en moyenne dans un joint. Question naïve ? Pas le moins du monde tant une estimation réaliste de la dite quantité pourrait constituer une ressource précieuse pour orienter aussi bien le décideur politique, le législateur, le professionnel de santé ou encore le chercheur. Or ni la littérature scientifique, ni la littérature grise ne semblent s’entendre sur la question. Une étude parue en 2011 dans la revue Drug and alcohol dependance proposait une estimation à 0,66 grammes. A son tour le Gouvernement fédéral l’estimait à 0,43 grammes. Quant aux usagers, bien plus gourmands, l’estimation tournait autour d’1 gramme de cannabis par joint. Plus récemment, une nouvelle étude, parue là encore dans Drug and alcohol dependance, s’est prononcée pour une estimation autour de 0,32 grammes. Fondée sur des données issues d’entretiens avec des usagers arrêtés pour possession de cannabis entre 2000 et 2003 et 2007 et 2010, combinées à l’étude de paramètres comme les prix au gramme, le prix d’un joint, les variations selon la quantité acquise et le lieu de la transaction, cette estimation, quoique vraisemblable, reste imparfaite selon les auteurs. D’ailleurs, tout bien considéré, est-ce véritablement la quantité de cannabis seule qui importe ? Il faudrait également une estimation de la présence de THC/joint, l’un des composants psychoactifs majeurs du cannabis, qui fluctue elle aussi mais semble tendre vers des concentrations de plus en plus fortes…

Source : Niraj Chokshi, "How much weed is in a joint? Pot experts have a new estimate", New York Times, 14 juillet 2016
 

Certains l’aiment chaud

Des chercheurs de l’université de New York se sont penchés sur l’expérience sexuelle des individus  sous l’influence d’alcool et de cannabis. La consommation d’alcool et de cannabis affecte-t-elle les relations sexuelles telles qu’elles sont ressenties par les consommateurs ? A-t-elle une incidence sur les prises de risque en contexte sexuel ? C’est l’objet de cette étude qualitative ayant porté sur 24 individus, hommes et femmes hétérosexuels et séronégatifs.
Les principaux indicateurs explorés étaient, au niveau psychologique, la nature des interactions entre les partenaires, les contextes pré-coïtal, l’attractivité de soi-même et des autres, la désinhibition, et le sentiment de regret post-coïtal. Au niveau physique, les dysfonctionnements sexuels, les effets-dose, les sensations charnelles, la durée et l’intensité de la relation sexuelle, et la qualité de l’orgasme ont été investigués. D’après les auto-déclarations des individus inclus dans l’étude, la consommation de cannabis tout comme la consommation d’alcool présenteraient chacune des effets négatifs. Les individus relèvent une association entre consommation d’alcool et prodigalité, l’approche des potentiels partenaires sexuels facilitée, l’usage d’alcool était associé plus fréquemment au choix de partenaires sexuels plus atypiques et à des regrets consécutifs à l’acte sexuel. Le caractère illégal du cannabis était présenté comme facilitant les relations intimes. Tandis que les caractéristiques associées à ces expériences sexuelles présentaient des similitudes entre homme et femme, les auteurs ont relevé cependant certaines variations selon le genre.

Source : Palamar JJ, Acosta P, Ompad DC, Friedman SR., "A qualitative investigation comparing psychosocial and physical sexual experiences related to alcohol and marijuana use among adults.", Archives of sexual behaviour, 20 juillet 2016
 

Les fournisseurs de drogues en ligne sortent le grand jeu

Le marché du dark web poursuit son expansion. Si l’on en croit The Economist qui lui consacrait plusieurs pages en juillet dernier, il devient le fournisseur officieux d’une proportion de plus en plus importante d’usagers de drogues aux Etats-Unis : ils étaient 8 % à y avoir eu recours en 2014 contre 15 % en 2016.  Le magazine a extrait les données issues de 1,5 téraoctets d’information pour près de 360 000 transactions entre décembre 2013 et juillet 2015 sur les sites Agora, Evolution et Silk road 2 et dégagé quelques tendances. L’ecstasy apparaît à l’analyse comme la drogue la plus lucrative, le cannabis la plus populaire avec près de 38 000 transactions. L’une des données les plus frappantes selon le magazine est le prix pratiqué sur le dark web : le gramme de cocaïne y revient en moyenne deux fois plus cher que dans la rue. L’Australie fait toutefois doublement exception avec des prix astronomiques, plus encore pour les drogues de rue. Outre les coûts liés au conditionnement des paquets et à l’envoi qui font augmenter les prix de vente jusqu’à 28 %, la drogue en ligne y est de meilleure qualité : sur un marché très compétitif les fournisseurs n’ont d’autres choix que de recueillir un maximum de commentaires positifs sur leurs produits. Ainsi d’après une étude réalisée par le think tank espagnol Energy Control sur des échantillons de substances issues du dark web, la cocaïne présentait notamment un degré de pureté de 71,6 % contre 48 % pour la cocaïne de rue. Le plus souvent, le service client est soigné sur le dark web, un commentaire positif sur la transaction pourra être salué par un « extra » lors d’une transaction future. Cependant les acheteurs n’en sont pas pour autant d’une fidélité sans faille, fréquenteront plusieurs acheteurs en ligne simultanément et n’hésiteront pas à naviguer d’un site à l’autre si les choses tournent mal. Quant aux barons de la drogue, ils semblent peu intéressés par le dark web, par crainte de perturber leur chaîne d’approvisionnement bien rodée. D’ailleurs, leurs compétences traditionnelles - l’intimidation, l’agressivité, la violence et la contrebande - sont inutiles sur le marché des drogues en ligne. Plutôt conservateurs, ils l’emportent toutefois sur les quantités de drogue qu’ils sont en capacité de déplacer, qui se calculent en tonnes, pas en kilogrammes…

Source : "Shedding light on the dark web", The Economist, 18 juillet 2016

 

MISES AU POINT

Nouvelles recommandations cliniques pour le syndrome d’alcoolisation fœtale

Un groupe de travail constitué d’experts du syndrome de l’alcoolisation fœtale (SAF) vient de publier de nouvelles recommandations pour la pratique clinique. Ces recommandations viennent préciser et enrichir les recommandations de 2005, 1er outil diagnostic des différents types de SAF. Élaborées dans une approche multidisciplinaire, ces recommandations se veulent plus précises et documentées que les précédentes. Ainsi, alors que les 1ères recommandations reconnaissaient que certaines caractéristiques du visage, un retard de développement, une micro-encéphalie pouvaient constituer des critères diagnostics différentiels du SAF, ces recommandations vont plus loin en évoquant les conséquences du SAF d’après la littérature récente, dont la survenue de troubles cognitifs ou comportementaux chez l’enfant.

Source : H. Eugene Hoyme, Wendy O. Kalberg, Amy J. Elliott, Jason Blankenship, David Buckley, Anna-Susan Marais, Melanie A. Manning, Luther K. Robinson, Margaret P. Adam, Omar Abdul-Rahman, Tamison Jewett, Claire D. Coles, Christina Chambers, Kenneth L. Jones, Colleen M. Adnams, Prachi E. Shah, Edward P. Riley, Michael E. Charness, Kenneth R. Warren, Philip A. May, "Updated clinical guidelines for diagnosing fetal alcohol spectrum disorders", Pediatrics, août 2016, VOLUME 138 / ISSUE 2